La traversée des Barr

par Mary Ducharme (traduction : Yvon Paquette) août 2020

(Premier de 3 articles sur les premières familles Barr de Hemmingford)
William et John Barr, âgés respectivement de 15 et 18 ans, arrivèrent à Montréal le 14 août 1830, après onze semaines en mer. Les jeunes Barr furent accueillis sur le quai par leur sœur Margaret, soulagée de leur arrivée après une si longue attente. Sa crainte lui venait des souvenirs de sa propre traversée alors qu’elle avait émigré d’Irlande en 1828. En effet, au cours de neuf semaines en mer, le navire sur lequel elle prenait place avait été frappé par une tempête violente causant des dommages sérieux au point de mettre en péril le but ultime du voyage : atteindre Montréal. Après avoir survécu à leur épreuve, Margaret et son mari, William Kearns, un fermier de Tyrone, s’étaient établis à Hemmingford en attendant la venue d’autres membres de la famille.

William et John furent également soulagés de retrouver leur sœur. Cependant ils apportaient de tristes nouvelles pour Margaret: au cours de ce même voyage, leur père et leur mère étaient décédés en mer de la « fièvre navale ». En fait, leurs parents, William Barr et Ellen Fenton, faisaient partie des nombreuses victimes du typhus murin, transmis par la puce du rat dans les espaces confinés sous les ponts. La misère des malades était de plus aggravée par une alimentation pauvre et insuffisante ainsi que par des installations sanitaires quasi inexistantes faisant qu’entre autres, les passagers utilisaient la même eau pour boire et se laver. Les fils Barr ne purent changer le cours des choses pour leurs parents qui sont probablement morts de délire fiévreux et dont les corps, enveloppés dans des sacs de toile, furent jetés dans les eaux.

Il est de notoriété publique que, très souvent, les capitaines des navires d’immigrants tiraient profit des provisions destinées à embarquer sur leurs navires, certains allant jusqu’à expédier en secret, vers leurs résidences familiales, des caisses contenant les meilleures provisions. Un récit de ce que cela pouvait représenter pour les passagers apparaît d’ailleurs dans une note biographique de 1914 compilée par le Lieutenant-Colonel James Barr, un descendant de William et Ellen: «a famille s’était procuré un approvisionnement de gruau, bacon, thé, sucre etc. suffisant pour une année après leur arrivée en Amérique, mais vu le peu de provisions disponibles sur le navire, ils furent obligés de remettre ces provisions aux officiers du navire pour empêcher les passagers et l’équipage de mourir de faim, ce qui ne leur rapporta aucune rémunération. Même avec toutes les provisions disponibles, les passagers et l’équipage durent se soumettre à un régime sévère durant la dernière partie de leur voyage».

Feu William et Ellen étaient de Beragh, dans le comté de Tyrone. Ils possédaient un magasin général, exploitaient une ferme et vivaient du commerce du lin. La production d’un lin de haute qualité faisait partie de l’industrie artisanale de l’Irlande du Nord. William et ses deux fils cultivaient et récoltaient le lin dans les champs puis, Ellen et ses filles Margaret et Jane produisaient le fil de lin sur des métiers, dans leur demeure. Les hommes transformaient ensuite ce fil en un tissu qu’ils vendaient dans les marchés des environs. On le transportait par la suite à Dublin ou à Belfast, la plus grande partie étant destinée à l’exportation en Europe. Malheureusement, lorsque la transformation du lin se fit de façon industrielle dans de grosses usines situées dans les villes, l’industrie artisanale rurale subit un profond déclin. À la fin des années 1820, des charges imposées par l’Angleterre dévastèrent encore plus l’économie irlandaise rurale. Des difficultés additionnelles telles la croissance rapide de la population, les troubles religieux et les mauvaises récoltes de patates firent qu’en quelques années la population commença à décliner: les Irlandais du Nord déménageaient en Amérique, aux Etats-Unis ou au Canada. Parmi les immigrants irlandais qui s’installèrent à Hemmingford, un très grand nombre était originaire des régions productrices de lin. D’ailleurs, les possessions de William et John incluaient 500 verges de toile et de fil de lin de qualité qu’ils espéraient vendre pour établir une demeure et un commerce dans Little York (Toronto) où ils voulaient rejoindre leur soeur Jane qui y habitait depuis 1825 avec son époux John Clements.

Apparemment, William et John furent dissuadés d’aller à Little York, peut-être à cause des lettres de Jane qui mentionnaient une épidémie de fièvre (paludisme ou malaria ).

John et William eurent du mal à vendre leur lin à Hemmingford. À l’époque, l’argent était rare et la majorité des gens portaient de simples vêtements de laine faits à la maison car ils ne pouvaient pas se permettre le luxe du lin de qualité. Heureusement, John Scriver acheta le lin des Barr pour son magasin, ce qui fournit à ces derniers la somme de £100, suffisante pour acheter le Lot 66 sur le deuxième rang, tout près de la demeure de leur sœur Margaret. Ce n’était alors qu’une terre de brousse sauvage. Pendant plusieurs années, cette section fut appelée Clelland Corners. Aujourd’hui on la nomme Chemin Covey Hill.

À suivre dans un prochain article : l’histoire des Barr à Hemmingford, Clelland Corners et Covey Hill.n’était alors qu’une terre de brousse sauvage. Pendant plusieurs années, cette section fut appelée Clelland Corners. Aujourd’hui on la nomme Chemin Covey Hill.

À suivre dans un prochain article : l’histoire des Barr à Hemmingford, Clelland Corners et Covey Hill.