L’heureux destin d’Ovila Lacasse
Après des débuts difficiles, l’heureux destin d’Ovila Lacasse par Mary Ducharme
(version française revisée par Hélène Gravel) (février 2019)
Les résidents les plus âgés d’Hemmingford se souviennent fort probablement d’Ovila et de Diane Lacasse qui exploitaient une boutique à l’intersection du village. Ovila y exerçait plusieurs métiers. En effet, il était à la fois réparateur de montres et d’horloges, opticien, marchand général, boucher et photographe. Il fut de plus, secrétaire du village pendant plusieurs années.
Comme pour la majorité des fils cadets de sa génération, la vie d’Ovila était soumise aux besoins de sa famille vivant de l’agriculture. Son père, Eusèbe, avait eu des débuts difficiles lorsque, à l’âge de huit ans, à Napierville, son père l’avait chassé de la maison parce que sa belle mère le détestait. Placé chez un fermier qui ne payait que cinquante cents de l’heure pour un dur travail, il n’avait pas eu l’opportunité d’aller à l’école et, de toute façon, il n’y voyait aucun avantage. Malheureusement, cette opinion sur l’éducation affecta tous les enfants d’Eusèbe, incluant Ovila, dont la scolarité se termina en deuxième année, mettant ainsi fin à son ambition de devenir dentiste.
Jeune homme, Eusèbe travailla dans une fonderie de Port Henry, maniant une masse de 45 livres à la journée longue. Après son mariage avec Odile Hébert en 1849, cette dernière le persuada d’acheter une ferme à Hemmingford à l’instar d’autres pionniers canadiens français. Leur ferme, située sur le coin actuel du chemin Napper et du chemin Lacasse, maintenant abandonnée, incluait une maison spacieuse en pierres près d’une petite rivière avec une chute d’eau. La nourriture était abondante, mais l’argent n’était pas au rendezvous. Eusèbe continua donc à travailler à Port Henry ce qui lui occasionnait un aller-retour de 30 milles à pied chaque fin de semaine. Durant la semaine, la charge de travail était très épuisante pour Odile : elle devait s’occuper du bétail, des récoltes, de la maisonnée et prendre soin de six enfants.
En dépit de grandes difficultés financières, car la ferme était fortement hypothéquée, la famille décida d’investir chaque dollar possible dans l’acquisition d’une scierie qui sera gérée par les fils Wilfred et Eusèbe Jr. La scierie devint éventuellement prospère, mais Ovila, étant le plus jeune des fils vivant à la maison, ne recevait pas de salaire de la ferme. Néanmoins, étant un bon fils il se sentait moralement obligé de prendre soin de ses parents dans leur vieil âge, craignant que son propre avenir et celui d’une future épouse soit menacé s’il ne remplissait pas ce devoir filial. Ce qui s’offrait alors à lui était une vie de dur labeur, de pauvreté et d’endettement. À dix-huit ans, Ovila souffrit d’une pleurésie et, après une guérison difficile, il persévéra dans son travail sur la ferme. Mais malheureusement ses meilleurs efforts ne suffisaient jamais. Par exemple, un jour il se rendit à Montréal en train avec quinze livres de beurre et du miel et, tard dans la soirée, il revint à la maison sans avoir vendu quoique ce soit. Arrivé dans la vingtaine, sa vie était moche et il était toujours célibataire. Il décida alors de prendre en charge ses propres affaires et déménagea de la ferme au village pour essayer le métier d’horloger. Comme Ovila aimait ce travail qui exige minutie et patience, il commença à acheter des montres endommagées pour les réparer et les revendre.
A cette époque-là, Ovila se mit à parcourir les villages avoisinants et à prendre des photos. Mais il demeurait malgré tout sans le sou, surtout que sa parenté lui empruntait de l’argent sans le lui remettre. Il connut enfin son moment de chance lorsque, au cours d’un de ses voyages, il rencontra Diane Martin, enseignante à Bedford. Ils se marièrent en 1909 alors qu’il avait 34 ans et elle 32. Tous deux n’avaient pas l’intention de déménager sur la ferme et c’était aussi bien ainsi puisque Odile trouvait sa belle-fille peu convenable, tout en souhaitant néanmoins que son fils revienne à la ferme.
Originaire de Montréal, Diane jouait du piano, de la flute et du violon. Bien instruite, ses goûts en toutes choses étaient raffinés et elle enseignait dans les écoles rurales, comme le faisaient également ses sept sœurs. Diane voulait contribuer à améliorer la vie des familles rurales. Pour cette raison, elle devint présidente du Cercle des Fermières de Hemmingford.
Pour Ovila, Diane était l’épouse parfaite. Ensemble, ils eurent beaucoup de plaisir à combler les lacunes de son éducation et aussi à améliorer les entreprises d’Ovila dans le village d’Hemmingford. Certains membres de la famille se souviennent encore des différents sons qui faisaient vibrer leur maison : celui de Diane au piano, ceux de l’impressionnante collection d’horloges grand-père d’Ovila carillonnant à chaque demi-heure et ceux des chants des oiseaux vivant heureux dans des cages accrochées aux murs, dont Diane s’occupa plus tard dans sa vie.
Source : l’histoire Lacasse fut récemment compilée par Hélène Gilbert à partir d’entrevues et de notes en français. Pour plus d’information sur cette famille, visiter les Archives Hemmingford.