Sur la route d’Odelltown – le 9 novembre 1838
Le récit de William Barr annoté par Mary Ducharme (décembre 2020)

remis au Lieutenant John Scriver
En 1837-1838 des unités militaires britanniques reçurent l’ordre d’expulser les patriotes en incendiant leurs demeures. Outrés, les fermiers français formèrent des milices. Encore plus excités par les discours incendiaires du Dr. Robert Nelson, de Médard Hébert et de Charles Hindelang, les escarmouches entre canadiens français et anglais devinrent plus fréquentes. Une escalade similaire fermentait du côté des anglais.
William and John Barr, sentant leurs demeures menacées, se rangèrent du côté des anglais. John s’enrôla sous le colonel Scriver qui commandait le bataillon d’Hemmingford. De son côté, William s’enrôla dans la compagnie de Woolrich avec ses voisins à Clelland Corners.

Le 9 novembre 1838, dans l’épaisseur de l’obscurité froide, John Scriver s’addressa aux volontaires d’Hemmingford, rassemblés chez lui, avant d’entreprendre leur marche vers Odelltown pour attaquer les patriotes. William raconte dans son récit que Scriver savait ce que plusieurs d’entre eux pensaient de lui parce qu’il s’était prononcé contre des lois injustes envers les canadiens français. On l’accusait d’être déloyal. “Mais je vais maintenant montrer quelle type d’homme je suis.” Dit Scriver. “Que celui qui croit que j’ai mal agi me tire dans le dos !”
La marche nocturne fut froide et misérable. “On n’apporta pas de charriot, et chaque homme trébuchait dans l’obscurité, sous le poids de son mousquet, de ses 20 cartouches de munition et de ses provisions pour la journée.” La plupart des hommes étaient sans souliers et mal habillés.
La récit de William Barr nous donne une idée réaliste de ce que fut cette matinée: “Les pluies récentes avaient détrempé les routes et la boue formée par les voyages inhabituels des derniers jours, aurait été impraticable sans le gel. Nous avancions dans les marécages plats, couverts par la dense végétation de mélèzes et de broussailles qui marque la séparation entre Hemmingford et Lacolle. La colonne déboucha sur les terres défrichées de la colonie Roxham. Nous avions parcouru quatre milles et demi et atteint les coins lorsque, dans la nuit, nous recûmes l’ordre d’arrêter. Le capitaine Shields n’était pas encore arrivé avec sa compagnie et la colonne devait patienter. Tandis qu’ils attendaient, les hommes avalèrent les croutes qu’ils avaient apportées et un fermier des environs, Charles Stuart, distribua tout le lait qu’il avait. Le ciel de l’est s’éclaircissait avec le jour levant, lorsque la compagnie de Shields arriva, élevant la force à 220 hommes.”
En atteignant le virage qui mène au pré Beaver, on prit un raccourci à travers le village. Les fermes voisines furent sollicitées pour fournir la nourriture qu’elles pouvaient afin “d’étirer les provisions que les hommes avaient dans leurs poches.”
L’incident qui suit décrit bien l’imbroglio prévisible lorsque le manque d’uniforme rend difficile de discerner l’ami et de l’ennemi. Scriver avait prévu le coup et avait fait attacher une bande de coton blanc au bras de ses hommes.
Il était huit heures quand leur colonne prit la montée vers Eldredge’s Corners, marquée par un cimetière isolé du côté nord. Deux hommes attendaient. L’un d’eux portait un manteau militaire bleu et il approcha des premiers rangs avec confiance, croyant que “la colonne d’hommes vêtus en cultivateurs était une partie de la force rebelle de Napierville ou de Saint-Rémi venue se joindre à l’expédition qui s’était réunie près de Rouses Point. L’homme s’adressa à eux en les prenant pour des canadiens français. Il fut rapidement détrompé : les deux hommes furent faits prisonniers sur le champs.”
William et les hommes entendirent au loin les coups de canon. Par le temps qu’ils eurent franchi les huit milles jusqu’à la rue Odelltown (sur le site de l’église Odelltown), ils trouvèrent les autres bataillons alignés. “Nos compagnies présentes étaient celles du Capitaine Hayes de Lacolle, Weldon, Fisher, March, Edwards, Stuart, Donald McFee, Woolrich et celle de Sherrington. Il y avait facilement 50 hommes par compagnie. Nous passâmes le bout de la ligne et nous arrêtèrent. Pendant que les officiers se consultaient, les habitants des alentours nous donnèrent à manger.”
“D’ou nous étions, nous pouvions voir les rebels.” À suivre . . .
Pour une version détaillée et complète de l’histoire enlevante de William Barr, aller au site “Archives Hemmingford” : sites.google.com/sitehemmingfordarchives.