Un acte de donation
par Mary Ducharme, traduction Chantal Lafrance (édition décembre 2014)
Parmi les centaines de documents originaux conservés aux Archives d’Hemmingford, il y a des actes et des testaments qui révèlent des détails sur la vie au 19e siècle. Parmi eux, il y a, par exemple, l’acte de donation du fermier Georges Fiddes à son fils James Fiddes d’Havelock.
En 1882, les programmes gouvernementaux, comme les pensions de vieillesse, étaient choses du futur. La première aide proposée pour les aînés fut les rentes gouvernementales, en 1908. Cependant, beaucoup de parlementaires croyaient que le support aux aînés était une question privée et que les ressources gouvernementales monétaires et humaines ne devaient pas servir à ces fins. Par conséquent, le premier projet gouvernemental destiné aux aînés vit le jour en 1927 avec la loi sur les pensions de vieillesse.
La philosophie de l’époque était que les individus devaient subvenir à leurs propres besoins et, si quelqu’un était pauvre, c’était le résultat d’un manque de dignité, d’imprévoyance ou le manque de discipline personnelle. Les conditions économiques de la fin du 19e siècle étaient telles, cependant, que peu de gens arrivaient à se mettre de l’argent de côté pour leur retraite. L’avenir des aînés sur les fermes familiales était cependant meilleur que celui des citadins âgés, parce que la charge de travail sur les fermes était graduellement passée aux générations plus jeunes et le principe était que les soins aux aînés faisaient partie des tâches familiales. Mais plusieurs fermes dans le Québec rural de cette époque avaient du mal à subsister et les parents, qui avaient travaillé dur toute leur vie, pouvaient se retrouver dans de piètres conditions de vie pour finir leurs jours.
Comme indiqué dans son acte de donation de l’époque, George Fiddes se négocie une sorte d’assurance, avec une «hypothèque» destinée à le protéger. Ce document de 1882, où les souhaits de George sont décrits explicitement, notamment ceux sur les soins personnels qu’il veut pour sa retraite, n’est pas coutume pour l’époque. La donation inclut 125 acres de terrain avec moutons, cochons, chevaux, volailles, étables et maison meublée. La propriété est “donnée”, libre de paiement, mais il y a une clause d’hypothèque spéciale, avec indications claires: James doit payer toutes les dettes de son père et celui-ci ne lui en est pas redevable.
George aura, jusqu’à sa mort, “le bénéfice de sa chambre et des meubles qui y figurent, ainsi que la possibilité de partager (avec son fils) toutes les autres pièces de la dite maison, avec le privilège de se promener partout sur la propriété et dans les bâtiments”.
Son fils “sera dans l’obligation, à partir de ce jour, de nourrir son père jusqu’à sa mort avec de la bonne nourriture, de nettoyer sa chambre et de lui fournir des vêtements propres et en ordre, et d’avoir bien soin de lui, de lui fournir toutes les choses nécessaires à une personne âgée et toutes les douceurs de la vie requises pour son âge avancé, de payer les frais médicaux s’il est malade, de lui fournir un cheval et une carriole ou un traîneau selon la saison, de l’amener où il le veut, de maintenir sa chambre à une température adéquate et de lui verser un dollar par mois, le premier jour du mois.”
Une autre clause stipule que James doit “s’assurer que son père soit inhumé décemment à sa mort, qu’il doit payer pour le service funéraire et qu’il doit faire ériger une pierre tombale dans le cimetière…”
L’acte de donation pourrait être révoqué pour cause de non-respect de ces obligations. George Fiddes ne savait pas écrire son nom, mais Samuel John Lewis, le notaire, le fit pour lui. Nous ne savons cependant pas si les volontés de George ont été respectées.