Des plantes attachantes
texte et photo : Norma A. Hubbard (traduction : Amelie Delisle Van Wijk) (février 2021)
Une journée où j’avais l’impression de vivre dans la toundra alors que les vents soufflaient à travers les champs couverts de neige, j’ai remarqué que très peu de plantes arrivaient à se tenir debout. Celles qui étaient debout était principalement des plantes que nous considérons comme étant des mauvaises herbes. Une plante en particulier semblait être immunisée contre le froid, la neige et les vents puisqu’elle ne pliait pas. La bardane (Arctium spp.) – qu’on appelle souvent craquia – se tenait plutôt majestueusement le long des fossés, une plante que bon nombre d’entre nous connaissent un peu trop bien, car qui n’a jamais enlevé des capitules, nom des détestables “petites boules épineuses”, de craquias de son chat, son chien, son enfant ou de ses vêtements?
Il n’est pas surprenant d’apprendre que la bardane est une espèce envahissante, qui n’est pas indigène au Canada. Il est difficile de savoir comment elle a été introduite ici; certains croient que c’était accidentel en raison de capitules qui se sont attachés aux vêtements ou aux animaux, alors que d’autres croient qu’elle a été amenée ici à des fins médicinales. En tout cas, cette espèce se retrouve ici depuis le début des années 1700. Ce qui pousse dans notre région est principalement la petite bardane (Arctium minus). On l’appelle également parfois la rhubarbe sauvage.
La bardane, comme plusieurs plantes envahissantes, pousse dans presque n’importe quel type de sol. Bien qu’elle préfère les sol humides et fertiles, elle n’a aucun problème à prendre racine dans les fossés. La bardane est une plante bisannuelle, ce qui signifie que cela prend deux ans avant qu’elle n’atteigne sa maturité. Elle ne s’épanouit donc pas dans les zones cultivées qui sont labourées chaque année. Dans la première année, les plants sont des rosettes de grandes feuilles en forme de cœur à pousse basse et ressemblent beaucoup à de la rhubarbe. Dans la deuxième année, des tiges de 60 à 180 cm (2 à 6 pi) poussent et produisent des fleurs pourpres à la fin de l’été. À l’automne, les fleurs s’assèchent et deviennent des capitules bruns. Certains plants peuvent prendre plus de deux ans à fleurir. Les bractées de l’involucre en forme de crochets sur le capitule sont ce qui lui permet de s’accrocher à presque tout ce qui le touche. Au début des années 1940, George de Mestral a remarqué à quel point les capitules s’accrochaient facilement à ses pantalons et à la fourrure de son chien et les a examinés au microscope. Il y avait ces minuscules crochets qui ont servi d’inspiration pour le Velcro.
Comme il a été mentionné, la bardane est considérée comme une plante médicinale et est comestible, quoi que je n’en aie jamais mangé! La grande bardane (Arctium Lappa) est reconnue pour ses racines, une longue racine pivotante, qui semble être la partie la plus délicieuse de la plante. Les racines doivent être récoltées en juillet pour les plants de première année. Ces racines ont un goût sucré et peuvent être mangées crues ou cuites. On dit que les racines sont un bon purificateur de sang. Parmi les anciens remèdes, et non ceux de la médecine moderne, la plante était utilisée pour traiter la rougeole, l’arthrite, les amygdalites, les virus comme le rhume et les maux de gorge, en plus d’être utilisée comme diurétique. Les feuilles sont légèrement amères, mais peuvent également être mangées. Il est à noter que la majorité des animaux ne brouteront pas la bardane, car on croit que cela donnera un goût amer au lait si les vaches en mangent trop. Je crois que je suis d’accord avec eux : je ne me vois pas vraiment croquer dans une bardane! De plus, la bardane peut être dommageable pour le bétail. Trop de capitules accrochés aux chevaux ou aux vaches peuvent leur causer du stress et entraîner des infections. Une fois que la laine est emmêlée avec des capitules, elle perd de la valeur et cela devient inconfortable pour l’animal.
Puisque c’est assez fastidieux d’avoir à retirer les capitules, je me disais qu’au moins, ils offraient de la nourriture aux oiseaux. Malheureusement, en faisant des recherches sur la bardane, j’ai découvert que ces plantes n’étaient pas uniquement agaçantes. Je croyais que les capitules étaient des graines comme les graines d’autres plantes sauvages, comme le chardon ou la rudbeckie hérissée, que les oiseaux pouvaient manger en hiver, mais c’est plutôt le contraire. Apparemment, les petits oiseaux et les chauves-souris peuvent se retrouver coincés dans les capitules et mourir à petit feu.
Donc, si vous souhaitez cultiver les bardanes, faites attention à ne pas laisser de grosses grappes de capitules qui peuvent être dangereux pour nos petits oiseaux et les chauves-souris. La meilleure façon de se débarrasser de la bardane est de la couper avant qu’elle n’atteigne sa maturité. Un seul plant peut produire entre 6000 et 16 000 graines! Puisque les plants ont des racines pivotantes profondes, il faut creuser profondément et planter des plantes plus désirables afin de prévenir le retour de la bardane. Et, comme toujours, évitez d’utiliser des herbicides, particulièrement lorsque le plant est en fleur, puisque les abeilles et les papillons se nourrissent des fleurs… et nous voulons les garder!
Sources : Grieve, M., A Modern Herbal; Invasive Species Council of British Columbia; Ontario Ministry of Agriculture, Food and Rural Affairs; Herbier du Québec