L’évolution du “Castor”

par Mary Ducharme, traduction Chantal Lafrance (édition juin 2104)

Le troc fut populaire dans les magasins de Hemmingford et près de la frontière pendant les premières années de colonisation. La plupart des fermiers peinaient et, à côté de la pauvreté, la monnaie n’était pas chose courante.

La potasse, une forme de carbonate de potassium, ayant une haute valeur comme fertilisant, fut une des premières “cultures commerciales” disponibles dans les terres sauvages. La production de la potasse exigeait beaucoup de travail, soit la coupe des arbres, leur réduction en cendres par le feu, le lessivage des cendres dans de grandes marmites installées au-dessus des flammes et le transport des barils de potasse sur des chemins quasi-impraticables. À une époque où le Canada n’avait pas de monnaie légale telle que nous la connaissons aujourd’hui et n’avait pas de banques, avec quelle “monnaie” payait-on la potasse?

canoe
Peinture de Francis A. Hopkins « Canoe Shooting the Rapids »

Il y eut plusieurs formes de paiements légaux. À partir de 1678, le commerce des fourrures de castor s’avéra lucratif et les per- sonnes concernées provenaient de la riche classe bourgeoise de Montréal. La Compagnie de la Baie d’Hudson fabriqua une pièce qui équivalait à la valeur d’une fourrure de castor mâle- cette pièce fut connue sous le nom de “castor”. Cependant, la population de castors fut reconnaissante lorsque les chapeaux de castor et les fourrures des mâles passèrent de mode. Les wampums furent monnaie légale dans certaines régions: c’était des ceintures fabriquées de perles de coquillages. Huit perles blanches ou quatre perles mauves équivalaient à un cent. En 1685, jouer aux cartes devint aussi monnaie légale, approuvé par le gou- vernement colonial. Les cartes n’avaient aucune valeur par elles-mêmes, à l’exception des montants qui y étaient inscrits. Elles furent retirées du marché à cause du faux monnayage répandu.

Au 18e siècle et jusqu’au milieu du 19e siècle, il y eut un méli- mélo de monnaie en circulation. Leur valeur fut déterminée en fonction du système britannique des livres, shillings et pence aux fins de comptabilité. Mais la monnaie en circulation ne fut pas seulement britannique : elle fut américaine, française, espagnole et portugaise. Sa valeur fut établie en fonction de la quantité d’or et d’argent qu’elle contenait. Les valeurs attribuées ne furent pas constantes et plusieurs pièces en circulation étaient de piètre qualité, car les pièces de bonne qualité se retrouvaient dans les collections privées. Le résultat en fut un commerce fragilisé et inefficace.

Durant la guerre de 1812, le Canada n’eut plus accès aux pièces des marchés américains et, pour payer les dettes de la guerre, le Conseil exécutif du Québec émit et garantit 250 000 en billets de l’armée dont la valeur était basée sur les dollars espagnols. La confiance en l’argent-papier était à la baisse, mais le gouverne- ment britannique redonna la pleine valeur aux billets à la fin de la guerre.

En novembre 1817, la première banque ouvrit ses portes à Montréal dans une maison louée sur la rue Saint-Paul. Les pre- miers billets furent nommés “dollars”- un terme basé sur le mot allemand thaler qui désigne une pièce d’argent.

Dépendre de la monnaie eut aussi des revers. En 1818, lorsque la Banque de Montréal envoya un convoi de 130 000 pièces vers Boston destiné au commerce en Chine, le chargement pesait trois tonnes, était empaqueté dans 65 cuves et tiré par chevaux et traîneaux. Il y eut aussi un autre problème : des coffres pleins d’or et d’argent, par exemple, avaient tendance à disparaître.

En 1837, la Banque de Montréal n’émettait pas seulement des billets, mais aussi des jetons, dont certains comportant l’image d’un habitant sur un côté et sur l’autre côté, les armoiries de Montréal. Ces jetons furent appelés les “Papineaux”.

Dans les années 1850, il y eut un débat à savoir si nous devions adopter un système de monnaie en argent, encouragé par l’Angleterre, ou un système décimal de monnaie comme le dollar américain. Pour des raisons de commerce entre les États-Unis et le Canada, le système décimal fut adopté. En 1858, le premier sou canadien fut émis à Londres, avec l’image de la reine Victoria. En 1867, la compagnie Dominion du Canada imprima un dollar canadien et émit une nouvelle série de sous. En 1908, le premier sou canadien fut frappé à Ottawa avec l’image du roi Édouard VII d’Angleterre.

coin
En 1837, pendant les Rébellions dans le Bas-Canada, trois banques de Montréal décidèrent d’émettre un nouveau sou avec une image d’habitant sur un côté et les armoiries de Montréal sur l’autre. Ces sous furent populairement appelés les “ Papineaux”.

Maintenant, avec nos nouvelles cartes haute-technologie plastifiées, nos nouvelles pièces ne contenant pas d’argent ni d’or, nos cartes de crédit, nos cartes débits, nos transitions bancaires par internet, nos guichets ATM et nos banques présentes partout, nous considérons l’accès facile à l’argent comme un acquis. Il est encore difficile de connaître la valeur exacte de notre cinq sous, et cela nous demande beaucoup de foi pour avoir confiance au marché boursier. Mais nous en avons fait du chemin depuis notre “castor”.

En 1837, pendant les Rébellions dans le Bas-Canada, trois banques de Montréal décidèrent d’émettre un nouveau sou avec une image d’habitant sur un côté et les armoiries de Montréal sur l’autre. Ces sous furent populairement appelés les “ Papineaux”.