Fortunes des Figsby

par Mary Ducharme (traduction : Yvon Paquette)  (avril 2020)

«L’histoire qui suit est à raconter» avait déclaré Henry Ernest Figsby dans une lettre de 1920 à son ami Charles McKay. Écrivant de l’Alberta, il avait ajouté : «Et ça ne me dérange pas de la raconter.» Il souligna comment Hemmingford le considérait injustement comme ingrat. Il poursuivit en expliquant que ses parents, William Figsby et Mary McNown, l’avaient expulsé de la famille en 1890. Il n’avait alors que quatorze ans, était le plus jeune de six enfants et espérait faire des études supérieures.

Son grand-père McNown lui avait légué $500 par testament pour son éducation, mais son père William avait prêté presque tout cette somme à l’oncle Thomas Figsby, marchand du village, qui était en difficulté financière. Cela ne laissa à Henry aucune réserve de fonds pour le collège, ou pour « la lutte pour l’existence ». Il se rendit à Montréal avec presque rien dans les poches. Son jeune âge et son inexpérience n’étaient pas en sa faveur, mais il a survécu. Des années plus tard, l’argent qui lui revenait légitimement fut remboursée, et son père l’utilisa pour acheter des terres. «Ma mère m’a alors retiré ma prochaine augmentation en prêtant $150 de cet argent à un de ses cousins renégats» qui ne l’a jamais remboursé.

Cette maison en pierre de deux étages sur la route 219N a été construite dans les années 1840 par Henry Figsby qui a immigré en 1804 de l’Irlande avec sa femme Sarah McNown. Ils furent parmi les premiers à s’établir sur les terres de la Couronne dans le district. photo : Yvon Paquette 2020

 

Henry Ernest s’enrôla dans l’armée et endura cinq années de misère et de solitude. Il écrivait régulièrement aux siens sans jamais avoir de réponse. Après avoir obtenu une libération honorable de l’armée, Henry eut du succès comme administrateur pour Dunlop Rubber à Montréal qui fabriquait des bottes de caoutchouc et des pneus. Alors qu’il rendait visite à sa famille pendant des années, vidant parfois ses économies pour aider ses parents âgés, ses frères et sœurs ne cessaient de lui demander des prêts qu’ils ne rembouraient jamais, et il cessa ses visites. À la mort de ses parents, il ne fut pas parmi les héritiers.

L’histoire d’un testament précédent provient du pionnier Henry Figsby, grand-père d’Henry Ernest, un agriculteur qui a immigré d’Irlande en 1804. Lui et son épouse, Sarah McNown, avaient acheté 500 acres de terres de la Couronne. Il y constuisit une grande maison en pierre dans les années 1840 pour sa famille croissante de neuf enfants. Il mourut d’une leucémie en 1882, et son épouse le suivit 10 ans plus tard.

photo : Dan Mark 1990

 

Dix-neuf ans après sa mort, une Déclaration de Décès a été reçue par le notaire public J.A.V. Amirault, remise par Francis (Fanny) Figsby, sœur d’Henry Sr. Ce document de 1901 indiquait qu’il n’y avait aucun changement par rapport au document initial de 1882 suite à sa dernière maladie. Dans les notes du début du document, Henry avait déclaré : «Je n’ai pas l’intention de faire un leg en faveur de mes enfants autres que ceux nommés.»

Les filles Frances (Fanny), Eliza, Amanda et Sarah héritèrent d’un montant allant $100 à $500 $, avec Fanny qui héritait d’une machine à coudre. Son fils Henry Jr. (né en 1840) reçu le reste de la succession; les fils William et Thomas étaient les exécuteurs testamentaires, mais pas bénéficiaires. Lorsque Henry Jr. mourut célibataire en 1902, le domaine passa à un neveu, Charles Braithwaite, fils de Sarah Figsby (sœur d’Henry Jr.) et Joseph Braithwaite d’Henrysburg.

Le domaine à cette époque comprenait 220 acres de terre, la maison en pierre et les dépendances. Les biens mobiliers étaient évaluées à $3,242. Pendant ce temps, Thomas qui avait emprunté le fonds en fiducie de son frère William (le père d’Henry Ernest), dirigeait une entreprise grevée d’une dette impayée.

Le destin ne sourit pas à Thomas. Sa première épouse, Jane Gordon, mourut en 1870. Il se remaria avec Elizabeth Cochrane en 1872 qui décéda également, et sa troisième épouse, Mary Ann Forrest, mourut en 1901. Forrest, à l’âge de dix-neuf ans, travaillait sans motivation comme commis pour son père quand sa mère Mary Ann décéda, brisant du même coup le dernier lien qui le retenait à Hemmingford.Le récit de James McCanse prêtant $50 à Thomas et Forrest pour qu’ils puissent aller chercher fortune aux États-Unis est très populaire à Hemmingford. Dans le style d’Horatio Alger, à force de travail acharné et de caractère, Forrest est devenu millionnaire en tant que membre fondateur du cabinet comptable Ernst and Ernst. Forrest remboursa les $50 en achetant une automobile neuve à McCanse, et il donna plus de mille dollars pour ce qui est devenu maintenant le Forrest Figsby Memorial Hall.

L’histoire fascinante des Figsby est beaucoup plus importante que ce que l’on retrouve ici. Un portrait plus complet sera disponible à mesure que les recherches des historiens de la famille aboutiront.