James Woolrich: Un gros propriétaire terrien
Par Mary Ducharme, traduction Marie Duval-Destin
Né en 1762, James Woolrich était un riche marchand à Montréal. À l’époque où notre région était encore à l’état sauvage, il acheta 12 000 acres de terres en concession, dont 47 lots à Hemmingford (selon le rapport statistique d’Hemmingford de 1822 dans les archives du notaire John Gerbrand Beek). Bien des personnes qui avaient acquis des terres ou obtenu des patentes n’avaient pas l’intention de vivre dans cette région reculée et encore moins de défricher la terre, condition requise pour avoir une concession. Elles furent alors bien contentes de vendre la terre à très bon marché. Quant à Woolrich, il avait un projet qui aurait fort bien pu transformer notre région en une sorte de domaine privé.
Son plan était de garder le titre des terres tout en les louant 6 pence (10 cents) l’acre par an. Cette somme devait être versée à perpétuité à Woolrich et à ses héritiers, par le locataire de l’époque et par tous ceux qui lui succéderaient. En fait, ce système, si graduellement qu’il se soit délité, continua cependant à soutenir des héritiers de Woolrich jusque dans les années 30. Il vendit également des terres aux colons. Beaucoup d’entre eux ne savaient pas bien lire et pensaient qu’ils achetaient des terres de la Couronne. Ce qu’ils avaient vécu en Europe leur avait laissé une piètre opinion des propriétaires et ils étaient suffisamment en colère pour abandonner ce qu’ils avaient développé en travaillant dur pour avoir une terre qui leur appartiendrait sans condition. Comme il savait qu’une terre défrichée était essentielle pour attirer des métayers, Woolrich offrit 200 $, une petite fortune à l’époque, pour défricher 30 acres de n’importe lequel de ses lots. On l’appelait le «bonus Woolrich», mais c’était un bonus durement gagné.
On peut voir une trace de l’héritage de Woolrich dans les actes notariés de la propriété de Charles Petch. Dans un document daté de 1883 et donné à William Thompson, il est stipulé que William doit «un loyer annuel perpétuel pour la terre» de 6 pence l’acre en arriérés, pour la somme de 77.14 dollars. Le paiement était dû à la succession de «feu William Connelly». Ce dernier était le gendre de James Woolrich et de son épouse Madeleine Gamelin, car il était marié à Julia, une de leurs filles. Ce terrain se situe actuellement au 386 de la route 202. Aux cours des années, il a appartenu aux familles Brazil, Fern et Thompson.
Vers 1807, James Woolrich bâtit le premier moulin à blé dans le coin. Il était situé au lieu dit Humpreh Nesbitt sur la Rivière anglaise, qu’on appelait aussi le Corbin’s corner ou «le Fort». C’était un petit moulin avec deux roues en pierre, une pour le blé d’inde et l’autre pour le blé. On y ajouta une scierie en 1810. Mais il y avait un hic à cette entreprise : bien des colons trou vient qu’il était trop difficile pour leurs chevaux d’aller au moulin à cause des marécages. Plusieurs propriétaires se succédèrent et, finalement, le moulin fut détruit par le feu en 1880.
Parallèlement à la vie publique de James Woolrich, sa vie privée était également incongrue. Protestant anglais, il avait épousé une catholique française et, pour satisfaire les deux clans, ils décidèrent que, lorsqu’ils auraient des enfants, les garçons seraient élevés dans le protestantisme et les filles dans le catholicisme. Comment le système a fonctionné, mystère.
Thomas Hall, un de leur fils, fut gérant et comptable du magasin Scriver pendant l’insurrection du Bas-Canada. Il avait la réputation d’être «un gentleman compétent et bien éduqué». Il devint capitaine dans la milice volontaire et mena sa compagnie pendant les combats d’Odletown en 1838. Exposé à de grands froids, il mourut de tuberculose à Laprairie au cours de l’hiver 1839. Pour des raisons inconnues, la famille étant censée être riche, sa femme et ses enfants furent laissés dans le dénuement. John Scriver essaya de leur faire obtenir une pension mais sa tentative échoua à cause, paraît-il, d’une intervention des Français. Fait intéressant à noter, ce fut Thomas qui fit en sorte en 1837 que tout ce que son père possédait soit accordé à sa mère Madeleine..
Julia Woolrich, une de leurs filles, épousa William Connolly, déjà mentionné dans cet article. Elle éleva les enfants de William qui avaient pour mère Suzanne, une Crie de Rivière rouge. William avait épousé Suzanne en 1803 et avait eu 6 enfants avec elle au cours des 28 ans de leur vie commune. En 1831, il fit venir Suzanne et ses enfants à Ste-Eustache et, quelques mois plus tard, en 1832, décida de la répudier pour épouser sa cousine Julia qui était plus «aimable et cultivée». Julia fut une des premières blanches à traverser le pays jusqu’à l’Océan pacifique. De nos jours, il reste de leurs descendants à Oaxaca au Mexique.
Avant de mourir, Suzanne vit sa fille Amélia devenir Lady Douglas, épouse de Sir James Douglas, gouverneur de l’Ile de Vancouver et de la Colombie-Britannique, colonie appartenant à la couronne.
Le 383 route 202 a appartenu à James Woolrich de 1822 à 1825. “Granted Land – Range 4 – # 150”. Depuis 1922, il appartient à la famille Thompson