Le coin de jardinage – Récolte, conservation et fermentation
par Grace Bubeck – October 2023
Le défi du jardinage alimentaire est qu’il est pratiquement impossible de cultiver en fonction de notre consommation. Les plantes ont leurs propres cycles, leurs périodes de croissance où elles ne sont pas encore mûres, leurs périodes d’abondance ou même de surabondance, et leurs périodes où il ne reste plus rien. Et puis la nature a son influence : trop de pluie pour les tomates, trop d’insectes, pas assez de chaleur, des graines qui ne poussent pas ou une gelée précoce.
Il est donc presque inévitable, si on cultive une partie de notre nourriture, qu’on veuille préserver les produits lorsqu’ils sont abondants. Il n’y a qu’un nombre limité de courgettes, de concombres ou de poires qu’on peut offrir à nos amis ! La mise en conserve et la congélation sont des moyens de conservation plus traditionnels et plus connus. Dans cet article, je parlerai de la fermentation, car il s’agit d’une troisième option qui peut enrichir votre garde-manger et vos plaisirs culinaires pendant les mois maigres de l’hiver et du printemps.
Les aliments fermentés, dont j’ai parlé dans mon article du numéro d’août 2019 (disponible en ligne), ont des bienfaits bien connus pour la santé. En plus, ils sont incroyablement savoureux, car la fermentation produit de nombreuses substances qui rehaussent le goût, y compris le glutamate monosodique souvent décrié, mais généré naturellement lorsque les fèves de soja sont fermentées pour faire de la sauce soja. Les aliments fermentés, comme le fromage, les olives et le chocolat, ou les boissons comme le café, le thé, la bière et le vin goûtent si bon qu’ils peuvent créer une véritable dépendance (l’alcool étant un autre sous-produit de la fermentation) !
Pour la fermentation maison, le plus simple est de commencer par la lactofermentation. Les lactobactéries se trouvent naturellement sur tous les légumes. Elles se reproduisent dans un environnement salé qui élimine en même temps toutes les bactéries nuisibles. Au cours des premiers jours, le processus de fermentation libère beaucoup de gaz, que vous verrez sous forme de mousse à la surface de votre ferment. Au cours des dernières étapes, le liquide clair qui entoure vos légumes tourne laiteux: c’est ce qui donne leur nom aux lactobactéries. Vous constaterez également des changements de couleur : les verts vifs deviennent olivâtres (comme dans les cornichons), les couleurs rougeâtres deviennent plus vives (la choucroute faite à partir de chou rouge se transforme en violet éclatant).
Alors, comment s’y prendre ? Il y a de nombreuses recettes de fermentation sur l’internet ou des vidéos sur YouTube, mais les suivre est un peu hasardeux. Mon expérience de plus de dix ans m’a permis de réduire les recettes à un pourcentage simple et facile à suivre pour tout débutant disposant d’une balance numérique : pour une quantité donnée de produits, disons 1000 grammes, vous ajoutez 1,5 % de sel, c’est-à-dire 15 grammes. Coupez les légumes en tranches ou en lamelles pour que le sel puisse extraire le jus. Ajoutez les épices de votre choix.
Remplissez ensuite un bocal en verre, couvrez-le d’une grande feuille et ajoutez un poids (j’utilise des bocaux en verre plus petits), ou placez un sac ziplock rempli d’eau sur le dessus. Veillez à ce que le poids soit suffisamment lourd pour que les légumes restent immergés dans le liquide, et gardez un peu d’espace à la tête du contenant afin d’éviter que le ferment ne déborde lorsque le gaz le pousse vers le haut. Couvrez le tout d’un linge pour empêcher les mouches à fruits d’y pénétrer. Vérifiez et goûtez régulièrement. Le ferment est terminé lorsqu’il est devenu acidulé, laiteux et qu’il a changé de couleur. C’est à vous de choisir le degré d’acidité que vous souhaitez. Le chou est un légume facile pour commencer. Il est presque inratable tant qu’il reste immergé dans son propre liquide, et il se conserve au réfrigérateur jusqu’à un an. À partir de là, vous pouvez vous lancer dans d’autres ferments.
Mes ferments préférés sont la choucroute, le kimchi et les cornichons, ainsi que les épices fermentées telles que le gingembre, l’ail, les oignons verts, le céleri-rave, le raifort et les piments. Ces ferments entrent dans la composition de soupes et d’autres plats tout au long de l’hiver et permettent une cuisine paresseuse mais très savoureuse. Broyez toutes les épices en une pâte dans le robot culinaire, ajoutez 1,5 % de sel et recouvrez le tout d’un sac « ziploc » rempli d’eau. L’ail devient très sucré lorsqu’il est fermenté de cette manière – mon préféré des préférés !
La fermentation peut être angoissante au début, et il est bon de pouvoir poser des questions quand on en a. Je me ferai un plaisir d’organiser une séance locale de questions pour les fermenteurs. Envoyez-moi un courriel (bubeckgrace@gmail.com) ou appelez/textez au 514 962-3251 si cela vous intéresse. Consultez aussi Révolution fermentation par David Côté et Sébastien Bureau ou leur site web : www.revolutionfermentation.com.