Les réfugiés sont toujours refoulés à la frontière
Bridges not Borders (octobre 2021)
Alors qu’un plus grand nombre de personnes ont été autorisées à entrer au Canada par la frontière terrestre, les réfugiés qui cherchent désespérément à se mettre en sécurité au Canada sont toujours refoulés. Entre le 21 mars 2020 et la fin de juillet 2021, 500 personnes ont été renvoyées aux États-Unis. Beaucoup d’entre elles se retrouvent en détention et, dans le pire des cas, certaines ont été renvoyées dans leur pays d’origine où leur vie est en danger. C’est le cas de Kevin, un Camerounais qui a été immédiatement emprisonné dans des conditions épouvantables après son retour forcé au Cameroun. Pour nous, à Créons des ponts, ceci reflète de façon troublante comment la pandémie a réduit le cercle des personnes dont la vie revêt de l’importance pour le gouvernement canadien. L’Association canadienne des avocats spécialisés en droit des réfugiés a contesté juridiquement cette politique de » renvoi « , affirmant qu’elle est illégale au regard du droit canadien.
L’ouverture de la frontière le 7 septembre a également créé une grande confusion. De nombreux réfugiés qui attendaient aux États Unis se sont rendus à la frontière canadienne, mais ont été refoulés. Ils sont souvent coincés, sans ressources, quand ils ne sont pas détenus. Nos partenaires de Plattsburgh Cares les ont aidés à se rendre dans des refuges ou chez des amis, souvent très éloignés. Cela a été très coûteux, car il n’y a toujours pas de train ou de bus en partance de Plattsburgh. Au cours des deux dernières semaines, ils ont pris en charge 25 familles.
En raison de l’ouverture de la frontière, les courriels que nous recevons et les consultations de notre site internet ont augmenté de façon spectaculaire (près de 5000 visites du site internet du 22 août au 20 septembre). Souvent, la seule aide que nous pouvons apporter consiste à fournir des informations mises à jour sur la situation à la frontière, mais parfois nous pouvons faire une différence réelle. Les personnes qui nous écrivent sont dans toutes sortes de situations. Voici trois exemples récents (les noms et les pays sont modifiés pour protéger leur identité) :
- Zara, originaire d’Inde, est une jeune fille de 18 ans dont la mère a été gravement brûlée lors d’une attaque sexiste et s’est cachée parce que la police ne voulait pas la protéger. Elle a envoyé sa fille aux États-Unis pour la protéger des mêmes agresseurs, avec l’intention de traverser au Canada. Le « passeur » qui devait l’amener au chemin Roxham a disparu avec les économies de la mère, laissant la fille seule et en détresse à New York.
- Jorge, de Colombie, est un jeune homme menacé de mort par un groupe paramilitaire depuis neuf mois et qui s’est caché. Bien qu’il ait déménagé dans trois villes différentes, les paramilitaires ont réussi à le localiser grâce à leurs vastes réseaux et l’ont menacé. Jorge a très peur et souhaite vivement demander l’asile au Canada.
- Ali, du Jammu-et-Cachemire, est un défenseur des droits de la personne qui résistait à l’occupation pakistanaise. À cause de cela, sa vie était menacée et il s’est caché pendant plusieurs mois en 2020. Avec l’aide d’amis, il a finalement pu se rendre aux États-Unis avec l’espoir de venir au Canada où vivent des membres de sa communauté qui sont prêts à l’accueillir.
Nous sommes également préoccupés par le fait que certaines personnes sont renvoyées aux États-Unis alors qu’elles pourraient en fait être admises au Canada. Nous avons été contactés par Emmanuel, qui a fui un pays africain en proie à des conflits armés et à des violations des droits de l’homme. Il a traversé à un point irrégulier et, après avoir été arrêté, il a été renvoyé aux ÉtatsUnis par l’Agence des services frontaliers du Canada. Toutefois, comme il a sa femme au Canada et tous les documents prouvant son mariage avec elle, en vertu des règles de l’Entente sur les tiers pays sûrs, il était en droit d’entrer au Canada pour présenter une demande de statut de réfugié. Son renvoi aux autorités américaines a rajouté encore plus d’angoisse aux effets de la persécution et des menaces que le couple subissait depuis longtemps dans leur pays d’origine. Heureusement, nous avons pu obtenir de l’aide juridique pour qu’il négocie son retour au Canada dans le cadre des règles de l’ETPS. D’autres n’ont peut-être pas cette chance ou ne savent pas comment trouver de l’aide.
Pour terminer sur une note plus positive, nous avons organisé un pique-nique en septembre où des familles de réfugiés de l’île de Montréal et de la Rive-Sud ont pu profiter de l’abondance de la nature et de la nourriture dans notre belle campagne. www.creonsdesponts.ca