L’Île de la colère, l’Île des larmes

Mary Anne Ducharme, traduction : Chantal Lafrance (édition avril 2013)

Le recensement de 1871 à Hemmingford révèle que 1227 résidents sont nés en Irlande.

Les pommes de terre ont été la nourriture de base des fa- milles pauvres d’Irlande et l’insuccès de cette culture pendant plu- sieurs saisons, de 1844 à 1849, les a menés à la famine. Le désastre qui en a résulté aurait facilement pu être évité par les gouverne- ments en place qui ont fermé l’oeil sur cette catastrophe et qui ont blâmé les paysans pour leur malheur. En fait, il y eut assez de nourriture en Irlande pour nourrir toute la population, mais les vivres furent exportés en Angleterre et cela fut passé sous silence. Pendant ce temps, les propriétaires ont évincé un demi-million de locataires de leur maison pour cause de non-paiement de loyer et les familles se sont retrouvées à la rue sans abri et sans nourriture, plusieurs mourant dans les fossés avec de l’écume verte à la bouche, car ils avaient mangé de l’herbe. Il n’y eut pas un chat ou un chien errant qui ne fut pas mangé.

Certains propriétaires se sont chargés des gens sans argent en offrant de leur payer un embarquement sur un navire en direction de l’Amérique du Nord. Cet embarquement représentait un espoir de vie meilleure pour plusieurs, car ils ne pouvaient retourner à la maison et leur avenir était vain. Cet espoir fut vite obscurci par les capitaines qui les privaient de nourriture, d’eau et d’autres effets de base. Les “navires cercueuils” transportaient jusqu’à 400 per- sonnes dans des conteneurs destinés à la nourriture pour bétails et non-aménagés pour les humains. Le voyage de Liverpool, point de départ, jusqu’à l’arrivée en Amérique du Nord, était d’une durée de 45 à 60 jours. Pendant ce temps, l’absence de conditions sanitaires, de lumière, d’air frais et de soins médicaux favorisa la propagation des maladies. En 1847 seulement, plus de 5000 émigrants Irlandais moururent en mer et beaucoup d’orphelins virent les corps enveloppés de linceul de leurs parents jetés par-dessus bord.

Les malheurs ne s’arrêtèrent pas à la fin du voyage en mer. Grosse Île était utilisée comme poste de quarantaine et dans les relevés officiels, 1847 fut l’année record des décès, avec 5424 personnes décédées du typhus ou de la diphtérie. Une autre aire d’arrivée était Windmill Point à Montréal, où environ 6000 personnes décédèrent dans les abris d’isolation pour la fièvre. Les autorités de Montréal craignirent que les épidémies se répandent dans toute la ville, car des milliers d’immigrants furent libérés de la quarantaine, faibles et laissés à eux-mêmes, certains se traînant par terre car ils ne pouvaient pas marcher, d’autres s’entassant aux portes des églises et dans les rues, et plusieurs mourant sur les quais.

Ceux qui survécurent à tout cela et qui s’établirent à Hemmingford contribuèrent grandement au développement de notre histoire locale. Découvrez-en plus en visitant les Archives les lundis, mardis et mercredis à l’école élémentaire d’Hemmingford.