Outarde ou bernache?
texte et photo : Norma A. Hubbard (traduction : Amelie Delisle Van Wijk) – avril 2024
Les oiseaux sont souvent le premier signe de l’arrivée du printemps. Bien que certains oiseaux printaniers restent souvent ici pendant l’hiver, comme les rouges-gorges, les journées plus chaudes se font vraiment ressentir lorsque nous voyons notre premier rougegorge ou carouge à épaulettes. Toutefois, pour moi, c’est le fait de voir et d’entendre les outardes qui me dit que le printemps est réellement arrivé. Je sais que je ne suis pas la seule à m’arrêter pour lever la tête lorsque j’entends les outardes qui cacardent, mais comment doit-on les appeler?
Un grand nombre de personnes les nomment outardes, mais leur véritable nom est bernache. En fait, il n’y a aucune outarde en Amérique, elles se trouvent toutes en Europe, en Afrique et en Australie. La confusion quant à leur nom remonte à l’époque de l’arrivée des colons européens dans le Nouveau Monde. Il leur était alors plus simple de nommer les oiseaux qui ressemblaient à ceux de l’Ancien Monde de la même manière. Ce n’est que bien plus tard que les experts ont mis de l’ordre dans les noms utilisés. L’un d’entre eux est le « père de la taxonomie moderne », Carl Linnaeus (1707-1778). Il était physicien et biologiste et a conçu un système pour nommer les plantes et les animaux. Il a d’abord classé nos bernaches Branta canadensis, ce qui signifie essentiellement « un canard noir du Canada ». Depuis, les ornithologues ont créé plusieurs sous-espèces de bernaches. Celle dans notre région est la Bernache du Canada, et certains ornithologues amateurs font la grimace lorsque nous les appelons des outardes.
Peu importe leur nom, les bernaches du Canada sont observées régulièrement dans notre région et, bien qu’elles puissent rester toute l’année, un grand nombre s’envolent vers le nord pour se reproduire et passent leurs hivers au sud. Il est vrai que les bernaches s’accouplent pour la vie, elles ont également tendance à trouver un partenaire qui est sensiblement de la même taille, ce que l’on nomme « homogamie ». C’est quelque chose que j’ai remarqué des couples que j’ai observés, où le mâle est seulement légèrement plus gros que la femelle. Ils commencent à se reproduire à quatre ans et il est rare de voir des couples plus jeunes. Les couples auront une couvée par saison de deux à huit œufs. Les mignons oisillons quitteront le nid deux jours après leur éclosion, puis nageront et se nourriront aux côtés de leurs parents. Les jeunes bernaches restent avec leurs parents pendant au moins un an.
Bien que la bernache du Canada résidente (Branta canadensis maxima) soit la plus grosse bernache sauvage au monde, pesant plus de 20 livres (plus de 9 kg), le poids moyen des bernaches du Canada est entre 3 et 13 livres. Leur longueur moyenne est de 25 à 45 pouces (64 à 115 cm). Les bernaches sont très territoriales et défendront leur territoire. Elles construisent souvent leur nid au même endroit chaque année. Le mâle, ou jars, est particulièrement agressif lorsqu’il défend sa compagne et leurs œufs. Les deux parents attaqueront les prédateurs qui s’approchent trop de leurs petits. Dans tous les cas, il est toujours préférable d’éviter ces gros oiseaux.
Un rassemblement de bernaches s’appelle un troupeau. Comme nous le savons, les bernaches volent en formation en V pour économiser leur énergie. Elles changent constamment de chef afin que le troupeau reste ensemble et qu’aucun oiseau ne devienne trop fatigué comme chef. De plus, on croit que les bernaches du Canada n’abandonnent pas une bernache blessée. Même si plusieurs articles au sujet du leadership mentionnent que, si une bernache est blessée et doit atterrir, au moins deux autres de ses comparses l’accompagneront, ce qui souligne l’importance du travail d’équipe. Je n’ai toutefois trouvé aucune preuve scientifique de ce comportement de groupe.
À un moment, le nombre de bernaches du Canada résidentes était en déclin, et on a même pensé qu’elles avaient disparu, mais des programmes de reproduction et des lois ont permis d’observer une augmentation du nombre de bernaches. Tellement, qu’elles sont perçues comme étant des animaux nuisibles dans certains secteurs. Je me rappelle, il y a de nombreuses années, être allée camper à Long Sault et d’être excitée de voir de grands troupeaux de bernaches. J’avais dit au garde forestier, « Regardez toutes ces bernaches! » Il m’a alors répondu, à peine poliment, « Maudites bernaches, elles font du bruit et foutent le bordel partout! » Rendue à ma troisième journée de camping à entendre les bernaches cacarder jour et nuit, j’ai compris ce qu’il voulait dire. Toutefois, j’aime toujours le son des bernaches au printemps, ça me rappelle qu’une température plus clémente s’en vient.
Sources : All About Birds, Cornell University [en ligne]; Ducks Unlimited [en ligne], Go Oiseaux, [en ligne]