Pierre Hébert, cinéaste d’animation

par Benoît Bleau (février 2021)

La région d’Hemmingford attire depuis longtemps peintres, écrivains, cinéastes et autres artisans qui viennent s’y réfugier pour y trouver la paix propice à la création et à l’exécution de leur art. C’est le cas du metteur en scène, scénariste, graveur, peintre, écrivain, réalisateur et producteur de cinéma, Pierre Hébert, qui, inspiré par plusieurs de ses confrères du cinéma, a cédé au charme de notre région en 1974.

Il a d’abord acquis un bout de terrain de Sue et Hugh Heller et comme il le dit : « … de là j’ai eu l’idée folle et téméraire de me bâtir une maison. Je n’avais aucune expérience en la matière mais, comme c’était la mode dans ces années, je m’étais intéressé aux maisons traditionnelles québécoises et j’avais l’impression de comprendre le principe des constructions pièces sur pièces. » Avec les conseils d’un artisan du coin, Clément Barrière, il a réalisé un petit chef d’œuvre au plein cœur d’une forêt et c’est en 2000 qu’il s’y est installé à temps plein avec Sylvie Massicotte, sa conjointe.

Né à Montréal en 1944, Pierre fait des études en anthropologie dans l’intention de devenir archéologue et, parallèlement, il s’initie aux techniques de la gravure. C’est suite à la rencontre de Norman McLaren en 1962 qu’il va poursuivre ses expériences d’animation gravée directement sur pellicule, technique qui caractérisera son art et sera l’axe central de son travail jusqu’en 1999. De 1965 à 1999, il est à l’emploi de l’Office national du film du Canada où il réalise une série de films expérimentaux qui explorent d’abord les phénomènes de perception (Op hop, Opus 3, Autour de la perception), puis témoignent de préoccupations politiques et sociales (Entre chiens et loup, Souvenirs de guerre). En 1991, il entreprend la réalisation du long métrage « La Plante humaine » qui sort en salle à Montréal et à Paris en 1996. Au cours de cette période, Michèle Pauzé, également résidente de la région, décédée récemment, a été son assistante dessinatrice pour de nombreux films.

En 1999, il quitte l’ONF pour redevenir réalisateur et artiste indépendant et publie un essai sur le cinéma d’animation (l’Ange et l’automate). Il a participé à différentes revues de cinéma, a enseigné la technique et l’histoire du cinéma d’animation à l’École des Beaux-Arts de Montréal, à l’université Laval et à l’université de Montréal et a donné de nombreux ateliers pratiques sur les méthodes de productions artisanales en cinéma d’animation.

Depuis 2009, il poursuit une production régulière de dessins. Il expose au Québec et en Europe et est fréquemment demandé pour participer à des festivals et symposiums à l’étranger. Il a reçu de nombreux prix et bourses dont un des Grands Prix du Québec, le Prix Albert-Tessier en 2004 pour l’ensemble de son œuvre et un doctorat honoris causa de l’Emily Carr University of Art and Design de Vancouver en 2018.

Pierre Hébert se caractérise par une volonté de produire des films d’animation autrement. Plutôt que de chercher la fluidité et la précision, tels qu’on les retrouve dans l’animation de type Disneyen, il mise sur l’émotion brute qui émerge d’une animation saccadée comme on peut le constater dans Souvenirs de guerre. Ses spectacles de gravure en direct dans lesquels il est accompagné de musiciens improvisateurs, et parfois de danseurs, illustrent bien la position marginale et de résistance qu’il a adoptée face à l’animation dominante. Ses œuvres ne laissent pas indifférent et nous incitent à une introspection face aux thèmes et personnages qu’il met en scène. Il lui a fallu beaucoup d’audace et de détermination pour radicaliser ainsi sa conception du mouvement.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur notre talent du jour mais l’idéal serait de vous laisser explorer le site de l’ONF à www.onf.ca/recherche/ et en entrant Pierre Hébert. Vous pourrez visionner gratuitement une foule de documents qu’il a soit réalisés ou auxquels il a contribué. Vous pourrez aussi visiter le site www.pierrehebert.com pour visualiser une partie des œuvres de notre artiste et en apprendre plus sur son parcours.

Merci Pierre de nous éveiller à une forme d’art différente, pleine de sens et de poésie!